Juste avant les vacances de Noël, le 19 décembre, une partie de la Guilde a assisté à la conférence d’Etienne Klein venu parler de l’intelligence artificielle. On vous partage ce qu’on a retenu et qui résonne avec nos pensées.
illustration créée par IA - Adobe Firefly
1° À puissance égale le cerveau humain est plus fort que l’IA
Si l’on peut se sentir dépassé par l’IA, rappelons que notre merveilleux cerveau consomme environ 40 Watts. À côté, nous avons ChatGPT qui représente à lui seul 3 617 serveurs, ayant chacun une puissance de 6 à 10 kW.
Se pose ainsi la question de la consommation d’énergie nécessaire pour faire fonctionner l’IA. Est-ce que cette dernière va s’effondrer d’elle-même ?A-t-on les moyens de faire tourner cette technologie encore longtemps ? Dans un contexte où le coût de l’énergie a explosé en Europe et dans le monde, et où la crise climatique met en danger bien des secteurs, l’IA devra trouver un moyen d’être soutenable et durable.
2° L’intelligence humaine va plus loin que l’IA
Qu’est-ce que veut dire l’intelligence ? Peut-on vraiment qualifier l’IA d’intelligente ?
L’intelligence humaine c’est savoir raisonner, savoir argumenter, avoir un esprit critique qui doute et surtout une capacité d’abstraction. L’IA n’est qu’une suite de corrélations. Elle ne peut produire que des choses qu’elle a déjà vu. Impossible d’imaginer en dehors d’un set de données.
Etienne Klein nous propose ainsi un récit imaginaire : “L’IA aurait-elle été capable de découvrir la théorie de la relativité d’Einstein”. Réponse : non. Car même avec les milliards de données absorbées sur Terre elle n’aurait pu faire l’expérience de pensée du “Et si les lois et hypothèses que nous faisions jusque là étaient fausses ?”
3° Se poser les bonnes questions collectivement
Face à une technologie aussi complexe (que peu de personnes comprennent) comment devons-nous réagir collectivement ? Et surtout, quelles sont les questions qui devront être abordées. En voici quelques unes :
Quelles décisions sommes-nous prêts à déléguer aux machines ?
Doit -on faire confiance à une machine incapable d’expliquer son raisonnement ?
Est-ce souhaitable que les générations futures pensent par elles-mêmes ou pensent avec des prothèses technologiques ? Mais d’ailleurs, penser avec une machine qui ne pense pas, est-ce penser ?
Face à des réponses qui ne sont que des corrélations hautement probables, souvent non justifiées, quelle place donner à l’argumentaire dans nos sociétés ? On le voit déjà avec les politiques qui utilisent Twitter. Pas d’argumentation possible, à l’instar des réponses données de manière directe par l’IA.
4° La place de l’éducation
Enseignant, Etienne Klein a par de nombreuses fois fait allusion aux bouleversements produits par l’IA à l’école. Chatgpt (entre autres) est utilisé comme un raccourci par les étudiants qui n’ont plus besoin d’apprendre mais juste de faire un bon prompt.
Il ne faut pas confondre joie de comprendre et bonheur de savoir.
En abandonnant les théories et les expériences de pensées,nous risquons d’accélérer le repli de l’esprit sur lui-même. Les théories en disent plus que les données. Pour connaître les lois de notre monde, il faut aller hors de ce dernier. Il faut cultiver les temps de recherches voir même d’obsession sur un problème donné, qui vont amener l’esprit dans ses retranchements. C’est à ce moment que peuvent émerger de nouvelles idées, concepts et théories.
Ce que nous risquons à terme c’est une pensée conformiste, qui ne cherche plus vraiment à argumenter mais juste produire encore et toujours du texte et autres images. Le tout participant à la saturation de notre attention.
Conclusion : on sent bien que les débats sur l’IA, au final, nous questionnent surtout nous, les humains. L’IA agirait-elle comme un antagoniste qui viendrait mettre à l’épreuve ce protagoniste qu’est l’humanité ? Nous savons tous qu’un bon antagoniste pousse le héros à se dépasser et trouver d’autres ressources pour triompher… Mais triompher de quoi ?
Affaire à suivre...
Bonus : les références de livres qui ont été évoquées
“L’obsolescence de l’homme” - Gunter Anders
“La vie spectrale : Penser l'ère du métavers et des IA génératives” - Eric Sadin
“L’Homme disloqué” - Nicolas Grimaldi
“Schizophrénie numérique” - Anne Alombert
“Raviver de l’esprit en ce monde” - François Jullien